De Boris Ghirardi à Pied de Robot : une histoire d’amour et de résilience.
Boris Ghirardi, c’est un peu le pote sportif qu’on a tous et toutes eu. Toujours à chercher un nouveau défi physique à relever. Jusqu’en 2019, son truc, c’était le CrossFit. Mais en 2019, justement, tout s’effondre. Boris est victime d’un accident de moto, on lui ampute son pied gauche. Mais loin de se résigner, il fait le choix une fois de plus de se tourner vers le sport. « Après l'accident, mes premières pensées sont allées vers ma femme et ma fille. Mais tout de suite après, c’était le sport », raconte celui qui utilisait les barres de son lit en soins intensifs pour faire des dips.
Une coquetterie ? Loin de là ! Boris est catégorique : le sport lui a sauvé la vie, et lui a ouvert des perspectives incroyables, malgré son amputation. Il est convaincu que sa masse musculaire l’a presque autant protégé que son équipement de motard. Il va même plus loin : « Le sport a été ma meilleure thérapie. Quand tu t’entraines, tu te fixes des échéances et des objectifs. Tu sais qu’il y a des périodes sans, parce que ce n’est pas linéaire. Tu peux te blesser, tu dois pouvoir t’adapter et continuer à te dépasser. Et en fait, tout ce que tu apprends dans le sport te permet de te relever. Comme le disait Léonard de Vinci, le mouvement est source de toute vie. »
Dès son accident, une seule question l’obsède : comment reprendre le sport vite et bien ? C’est là que son chemin croise celui d’un groupe d’étudiants ingénieurs grenoblois et de Jérôme Bernard, un athlète triplement amputé. Le petit groupe travaillait alors sur une lame de course à la fois polyvalente et accessible en prix et en utilisation. Cette prothèse l’accompagnera dans sa reprise progressive, en courant 50 m tous les kilomètres parcourus. Petit à petit, il arrive à faire 5 km en 30 minutes, puis 10 km en 1 heure. Et l’aidera à repenser son rapport à la performance. « Elle est d’abord par soi et pour soi. Quand on se reconstruit à la suite d’un accident de vie, la première personne qui doit être convaincue que c’est possible, c’est soi-même. Ce qui compte, c’est de se fixer des objectifs, sans regarder ce qui se fait ailleurs ».
C’est à ce moment-là qu’il gagnera son pseudo de Pied de Robot, qui ne le quittera plus. « C’est ma fille de trois ans à l’époque qui me l’a donné. Elle me disait “Papa, mets ton pied de robot et cours-moi après !” et c’est resté ! »
Partager le sport pour envisager le parasport autrement : les engagements de Boris Ghirardi

Si Boris raconte son accident comme une transition vers une vie aussi belle qu’inattendue, il se confronte rapidement à la réalité du handicap. Les portes se ferment, des barrières se dressent, plus rien n’est accessible. Et ça le met en colère : comment se fait-il que le sport, avec les valeurs qu’il véhicule, ne soit pas plus inclusif ? Et s’il salue la récente mise en visibilité de grandes compétitions parasportives, c’est loin d’être suffisant pour lui.
« Ces événements ne représentent qu’une infime minorité des personnes en situation de handicap. On parle d’athlètes de très haut niveau. Monsieur et Madame tout le monde ne peuvent pas s’identifier, ça rend le sport encore plus inaccessible. Pourtant, il est essentiel, pour son équilibre de vie, pour ses loisirs, pour construire du lien social. Que tu sois handicapé, d’une couleur de peau, d’une religion, une femme, un homme, peu importe. Tu enfiles ta tenue et tu deviens une sportive ou un sportif. C’est aussi comme ça que tu peux te définir. Tu peux reprendre ton identité. Il se trouve que tu es en situation de handicap, mais ça peut venir en second si tu veux. »
Le handicap peut prendre des formes multiples, qu’il soit physique ou mental. Il n’y a rien de plus différent d’une personne handicapée qu’une autre personne handicapée. Mais ce n’est pas un sujet pour Boris. Pour lui, l’important, c’est la volonté de partager le sport. Et donc les vestiaires, les douches, les trajets pour aller jusqu’au stade.
Lorsqu’il monte Level’Up, son association, il n’a qu’une idée en tête : ouvrir toutes les portes, pour tous les handicaps. « Peu importe la discipline, ce que je veux, c’est trouver des solutions pour faire en sorte que ce soit possible, et qu’on se sente invité et à sa place. » Pied de Robot refuse que le parasport ne soit que pour quelques happy few. Alors avec la Team Adaptive, une équipe d’athlètes qu’il prépare à des ultra trails et des courses d’ultra cyclisme, il repense la performance, pour la rendre accessible. « Dans la Team Adaptive, je travaille avec diversité de handicaps visibles, invisibles, moteurs, psychiques. Ces athlètes incarnent ce qui est possible. Il y en a qui font de la performance. Il y en a qui font du loisir. Ce qui est génial, c’est que ça inspire bien au-delà du handicap. Plein de gens nous voient et se disent “je suis dans mon canapé, j’ai mes quatre membres, tout ce qui fonctionne et je n’en fais rien.” Voir que c’est possible pour nous, ça les aide à se lancer. »
Aujourd’hui, avec la Team Adaptive, Boris Ghirardi collabore avec des courses de trail mythiques, des compétitions d’ultra cyclisme et de grandes marques de sport pour les rendre vraiment inclusives. Un travail d’utilité publique.
Récupérer, c’est s’adapter
Pour les paras athlètes, la récupération est un enjeu encore plus stratégique que pour les valides. Notamment parce qu’elles vont devoir dépenser bien plus d’énergie pour atteindre les mêmes objectifs. Boris précise « Pour un amputé tibial comme moi par exemple, c’est 25 % d’énergie en plus. Pour un fémoral, c’est 70 %. Dans la Team Adaptive, Franck a un trouble du spectre autistique (TSA). Il a un certain niveau de tolérance pour les interactions sociales et le bruit. S’il le dépasse, tout devient un énorme brouhaha, et ça génère beaucoup de stress. Il va donc dépenser beaucoup d’énergie pour compenser ça. C’est pour ça que nous devons être attentifs à toutes les formes de récupération (le sommeil, la nutrition) et à tout ce qui peut l’accompagner. On ne pourrait pas s’entrainer sans ça. Nous n’avons pas le choix. ». Sans oublier que de nombreux paras sportifs ont besoin de matériel pour pratiquer, et que ces derniers peuvent aussi occasionner des gênes ou des blessures qu’il faut prendre en considération. Récupérer, c’est une stratégie d’adaptation particulièrement importante, que Pied de Robot inculque aux 14 athlètes qu’il manage et qu’il accompagnera à la fin du mois d’aout sur la ligne de départ d’un légendaire trail alpin.
« Que ce soit une crème, de la nutrition, un sommeil. On prend tout ce qui est bon pour être sur la ligne de départ. Nos blessures peuvent vraiment nous empoisonner et si on peut se les éviter, ça permet de mieux profiter. »