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Sandrine Goeyvaerts : « la performance, c’est se reconnecter à son corps »

Sandrine Goeyvaerts est sommelière, caviste, autrice et chroniqueuse engagée. Jamais là où on l’attend, elle enfile désormais une casquette d’influenceuse sport. Portrait d’une combattante, qui veut faire de la performance un moyen de se réapproprier son corps, loin des injonctions.

Sandrine Goeyvaerts musculation

Le sport comme une renaissance.

Jusqu’à ses 17 ans, le sport faisait partie du quotidien de Sandrine. C'est une blessure au dos la stoppera dans son élan. Pendant des années, elle ne pratiquera plus, freinée par le diagnostic d’un médecin qui lui prédisait un écrasement des disques intervertébraux. Jusqu’à ce qu’elle fasse une embolie pulmonaire fin 2024.

« Un caillot s’est formé à la sortie de ma veine pulmonaire. C’est un peu embêtant, parce que les poumons, c’est assez utile pour respirer, et là, ils avaient du mal à recevoir de l’oxygène, explique-t-elle non sans humour. J’étais littéralement à bout de souffle. »

Inconcevable pour Sandrine Goeyvaerts, que rien ne semble arrêter. « Ce caillot était probablement dû à des causes métaboliques, peut-être à ma pilule et à mon manque d’activité. Heureusement, je suis une X-Woman. Quand il m’arrive des choses graves, je récupère très vite. En trois mois, il s’est résorbé. Pour récupérer mes capacités respiratoires, j’ai compris qu’il fallait que je bouge ».

Un pas à la fois.

« Au début, je marchais lamentablement 20 minutes, je faisais une sieste de 2 h et puis je repartais 20 minutes. C’était dur, mais j’y allais tous les jours et j’ai fini par tenir 3 kilomètres, puis 4, et j’ai pu marcher 1 heure sans m’essouffler. » Pour ne pas s’arrêter en si bon chemin, Sandrine veut continuer à améliorer son cardio. Hors de question qu’à 44 ans le manque d’activité physique la freine à nouveau dans son élan. Mère de deux enfants, cheffe d’entreprise et écrivaine, elle a besoin d’insérer la pratique dans son quotidien qui file déjà à 100 à l’heure : la salle de sport est la meilleure option. « Je prends une heure pour moi. Je mets mes écouteurs et je décroche mon cerveau. J’élimine toutes mes pensées parasites. Je sens mes muscles qui bougent, ma respiration, mon cœur qui bat. Je me remets à neuf. »

La performance, c’est se reconnecter à son corps.

Sandrine est comme beaucoup de femmes de son époque : elle court après le temps, tout en étant bombardée d’injonctions multiples et contradictoires. Chaque fois qu’elle va à la salle, elle s’accorde un moment où s’affranchir de tout ça. « C’est le grand paradoxe. En faisant du sport, je me reconnecte à mes sensations. J’oublie mon image, tout en prenant conscience de mes aptitudes. J’apprends à aimer mon corps à chaque séance, non pas pour ce à quoi il ressemble, mais pour ce qu’il est capable de faire. Mes épaules sont plus solides, j’ai les bras d’une femme qui peut pousser un traineau de 100 kg et marcher 500 mètres avec 20 kg dans chaque main. Je ne cherche pas le corps idéalisé des magazines, je veux surtout aller plus loin dans ce qu’il peut accomplir. » Désormais, elle l’envisage comme un vaisseau, qui change et qui s’adapte en fonction des moments de la vie. Sa responsabilité, c’est de l’aimer et d’en prendre soin. C’est ce qui explique que pour Sandrine, la performance, c’est conduire ce corps que la société considère anormal, voire malade à se dépasser. « Je marche à la vexation. Une fois j’ai partagé une de mes perfs sur les réseaux sociaux. Un homme que je ne connaissais absolument pas m’a dit que je mentais. Il sous-entendait que mon corps gros ne pouvait être aussi fort. J’étais tellement en colère que la semaine d’après, j’ai recommencé l’exercice pour lui prouver qu’il avait tort, et j’ai gagné plus de 20 secondes sur mon temps initial. »

La discipline de la récupération

Le moins qu’on puisse dire, c’est que Sandrine est déterminée. Avec le sport, ce qu’elle cherche c’est également à cultiver une forme de discipline, qui rejaillit à tous les moments de sa vie. Aller à la salle trois fois par semaine, c’est devenu pour elle une question d’hygiène physique, mais aussi mentale, dans laquelle la récupération tient une belle place.

« En reprenant le sport, j’ai été obligée de m’interroger sur la récupération. Ne serait-ce que parce que si je ne m'hydrate pas assez par exemple, j’ai des crampes et des courbatures horribles qui ont un impact sur mon quotidien. Alors je réfléchis différemment à comment je mange, comment je bois, et comment je dors. J’essaie de dormir huit heures par nuit. Quand je n’y parviens pas, je vois que ça joue à la fois sur mon humeur et sur la qualité des séances. J’alterne les sessions très cardio avec celles plus centrées sur la force. Et pour récupérer, bien sûr, je marche ! Ce que je veux, c’est nourrir mes muscles autant que mon cerveau. J’apprends à m’écouter autrement. »

La récupération devient un rituel, qui agit comme une récompense après l’effort. « En musculation, on a vite des cals et des coupures diverses sur les mains, donc j'abuse de crème hyper hydratante pour les mains. De façon générale, j'ai la peau fine et sensible, donc c'est presque un passage obligé pour tout le corps(et puis ça permet de masser pour les courbatures). »

Sandrine Goeyvaerts musculation

Un autre regard sur l’activité physique

Sa notoriété, Sandrine Goeyvaerts la doit en premier lieu à son expertise d’œnologue. Mais elle n’est pas du genre à cloisonner. Rapidement, elle est reconnue pour ses engagements pour une meilleure visibilité des femmes dans le monde viticole, et contre les violences sexistes inhérentes à son milieu. Elle utilise aussi souvent sa parole franche et sans concession pour dénoncer la grossophobie. Alors quand elle a documenté ses sorties marche puis ses séances à la salle, ses messages ont fini par prendre une tonalité militante.

« Au départ, je partageais ce que je faisais de manière très égoïste. Raconter mon nouveau rapport au sport à la communauté des personnes qui me suivent, c’était un moyen pour moi de me motiver. Je ne cherchais pas nécessairement à passer de message engagé. Puis j’ai reçu de plus en plus de messages de personnes qui me disaient qu’en me voyant prendre du plaisir à bouger, à être transparente sur ma pratique, ils se sont dit qu’ils pouvaient s’y mettre aussi. »

En tant que femme grosse qui parle de sa pratique, elle n’a que trop conscience du manque de représentativité dans le sport. Alors elle utilise la plateforme que lui offrent ses réseaux sociaux pour valoriser d’autres manières de se bouger. « Je veux voir des corps gros qui font du sport dans la joie, pas pour atteindre des normes esthétiques irréalistes, mais juste parce que se mettre en mouvement, ça fait du bien. On pense à tort que la musculation, c’est un monde d’hommes. Mais en réalité, il y a plein de femmes comme moi dans les salles. Il y en a aussi des plus jeunes, des plus vielles, des non blanches. J’aimerai tellement qu’elles soient plus visibles, et que nous puissions construire de nouveaux imaginaires autour de nos pratiques ! »

Depuis peu, Sandrine a ouvert un compte Instagram dédié à sa pratique,@bougeavecsand

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